Changement de système de jeu pour Ciel de Sang

Changement de système de jeu pour Ciel de Sang

De la nécessité d’avoir un système qui correspond au jeu auquel on joue

D’aucuns me rappelleront sans aucun doute que le jeu de rôle est bien plus que des mécaniques de jeu, et qu’on se fiche pas mal du système de jeu lors qu’on fait une partie, et j’aurais tendance à approuver, tout en modérant quelque peu ces propos. De part mes diverses expériences en tant que joueur et meneur de jeu, j’ai eu l’occasion d’étudier plusieurs systèmes, certains très complexes et simulationistes (que je nommerais crunchy) et d’autres beaucoup plus simples et laissant la place à davantage d’interprétation (ceux-ci seront qualifiés de soft, pour rester dans la métaphore du beurre de cacahuète.)

Tous ces systèmes, qu’ils soient soft ou crunchy, sont intrinsèquement justes lorsqu’ils sont utilisés à bon escient. Si je veux faire jouer des combats tactiques ou de l’exploration de donjons qui impliquent des déplacements de miniatures, avec un grand niveau de complexité sur les aptitudes en combat, j’aurais tendance à utiliser un système crunchy, car c’est ici que l’on y trouvera tout son sens. Si en revanche, je suis plus attiré par de l’interprétation de personnages sans trop me formaliser sur la définition précise des traits, un système soft prend ici le pas.

Pour l’instant, il est vrai que j’enfonce un peu des portes ouvertes, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser. J’en viens ici naturellement à quelque peu “tacler” la tendance de certains auteurs à utiliser le système de jeu (d’origine médiéval-fantastique) le plus connu au monde (et en particulier sa cinquième édition) et à tenter de le faire rentrer de force pour tout et n’importe quel type d’univers et d’objectifs de jeu, sous prétexte que les joueurs et MJ ne veulent pas apprendre d’autres systèmes.

À vrai dire, l’univers de jeu n’influe que peu sur le système, comparativement aux objectifs, à la teinte du jeu auquel on veut jouer. Prenons un univers médiéval-fantastique classique, avec ses Elfes, ses Nains, ses Dragons et ses Orques. Un jeu où l’on incarne des gens du peuple qui tentent de s’en sortir malgré l’oppression de la noblesse et la menace des invasions barbares n’aura clairement pas le même système que le jeu, situé dans le même univers, où l’on incarne des héros à la puissance légendaire qui décanillent des armées pour le petit dej.

Pourquoi abandonner un système qui fonctionnait pourtant bien ?

Ciel de Sang, depuis sa création, était propulsé par le système OpenD6, un système libre créé par West End Games pour leur jeu Star Wars dans les années 1980, et mis à jour depuis lors. La raison de ce choix à l’origine était l’existence dans le système de règles de combat spatial, parfaitement adaptable au combat aérien présent dans le contexte de Ciel de Sang, incluant notamment la possibilité d’avoir des échelles différentes suivant les véhicules.

Par ailleurs, le système OpenD6 inclut le principe du “Wild Die”, un dé séparément identifié qui peut exploser de façon illimitée, tant que des 6 sont obtenus. Cela permet donc aux personnages d’obtenir des résultats “héroïques” sur leurs jets, même en ayant des aptitudes limitées. Les chances d’échec sont par ailleurs mitigées par l’existence de points de personnages qui peuvent être dépensés pour ajouter d’autres dés explosifs à ses jets.

Une fois de plus, ce système est parfaitement cohérent avec l’idée que l’on se fait d’un jeu de rôle pulp et riche en actions héroïques. Alors, gros, pourquoi tu le jettes, ce système ?

Le système est juste, oui, mais il est lourd. Trop lourd, de mon point de vue, surtout pour les situations que je désire faire jouer. Une simple action de combat nécessite pas moins de quatre jets de dés pour être résolue ! Il y a tout d’abord un jet pour l’attaque, puis un autre pour la défense. Si l’attaque passe la défense, alors un jet de dégâts est lancé, auquel le défenseur répondra par un jet d’encaissement.

J’aime beaucoup l’idée d’un système de jeu qui nécessite un seul et unique jet de dés pour résoudre une action, quelle qu’elle soit, et j’ai trouvé cette solution grâce au système Year Zero, de Free League Publishing.

Le Year Zero Engine (ou Y0E), et son adaptation pour jouer du pulp

J’ai découvert le système Year Zero en lisant le jeu de rôle Coriolis - The Third Horizon, un jeu de rôle de space-opéra aux accents orientaux et arabisants, un genre de Firefly à la sauce des mille-et-une nuits, puis j’en ai lu une version alternative dans Tales from the Loop, où l’on joue des enfants dans des années 1980 fantastiques et fantasmées. J’en ai encore lu une variante dans le jeu Alien, avant de découvrir l’itération de Vaesen, un jeu d’investigation occulte dans la Scandinavie du XIXème siècle.

À chaque lecture du système, j’y ai vu des variations qui permettaient, tout en gardant une cohérence systémique, de faire jouer tantôt des aventures spatiales, des escapades enfantines ou de la survie horrifique. À chaque fois, quelques légères variations du système ont adapté le système sans pour autant le dénaturer (chose qu’on observe assez facilement dans certaines modifications de 5E)

Mais du coup, tu as mis quoi comme variations dans le Year Zero ?

Autant le dire, j’en suis aux débuts de la V4 de Ciel de Sang, et je n’ai pour l’instant que la boucle classique de jeu. Cependant, j’ai beaucoup travaillé sur la notion d’élan (ou momentum en Anglais). L’idée de l’élan est qu’au cours d’une scène, l’intensité va naturellement aller crescendo, et les personnages vont utiliser leur adrénaline pour accomplir de plus grandes choses, au risque de se blesser et de se fatiguer. J’en parlerai plus dans un prochain billet, car cette notion est absolument fondamentale au nouveau système.

Le jeu va également intégrer des règles de dogfight inspirées des règles de combat spatial de Coriolis et d’Alien, ainsi que des règles d’exploration provenant de Forbidden Lands (un autre jeu créé par Free League)

En bref, le système est actuellement en Alpha, et sera présenté en conventions lorsqu’il aura atteint le statut de Beta.

Photo de Jonathan Greenaway sur Unsplash